Le silure (Silurus glanis) est le plus gros poisson carnassier des eaux continentales de nos régions et d’Europe. Les variations de couleur de sa robe, du vert olive au gris anthracite uni ou moucheté, sa face ventrale blanchâtre et ses barbillons lui donnent un air de famille avec le poisson-chat. Ils appartiennent, en effet, tous deux à l’ordre des siluriformes, mais leur taille sont sans commune mesure. À 20 ans, les plus beaux spécimens de silures peuvent atteindre des tailles de 2,50 m pour un poids de 100 kg.

Présent en « France » jusqu’à l’ère quaternaire, le silure s’éclipse ensuite, pour ne plus se trouver que dans les cours d’eau d’Europe Centrale, et principalement dans le Danube. Son retour dans les eaux françaises remonterait aux années 1970. Il aurait été volontairement réintroduit par un pisciculteur du bassin de la Saône dont l’objectif était d’observer l’acclimatation de l’espèce.[1]

Quoi qu’il en soit, après avoir colonisé la Seille, puis la Saône, le silure se rencontre désormais dans la quasi-totalité des rivières, lacs et plans d’eaux des réseaux hydrographiques. Il aime de préférence les eaux calmes, profondes et turbides, dans lesquelles il évolue essentiellement au crépuscule et de nuit. Ses capacités d’acclimatation et d’adaptation sont très grandes.

C’est un redoutable chasseur doté d’un appétit féroce si l’on en juge les analyses de contenus stomacaux. Rongeurs, cormorans et autres oiseaux, poissons toutes espèces confondues, y compris des carpes de bel embonpoint, sont aux menus de ce glouton. Mais jamais encore les restes de corps d’enfant n’y ont été retrouvés comme pourraient le laisser croire certaines légendes du Danube.

Vitesse et ruse sont ses armes de chasse. Dans un cas, il use de sa rapidité pour fondre sur ses proies à la vitesse du projectile de la catapulte. Dans un autre cas, il agite ses barbillons à la manière de tortillements de vers, laisse les imprudents s’approcher, lesquels, une fois à portée de sa gueule grande ouverte, presque aussi large que sa tête aplatie, sont aspirés avec force en plus de 10 à 30 litres d’eau !

Les abords des passes à poissons des barrages, passages obligés pour les poissons migrateurs, sont, pour eux, d’extraordinaires terrains de chasse ! Aloses, lamproies, saumons et anguilles, déjà un peu désorientées pour trouver leur chemin vers l’amont dans ces aménagements de béton imaginés par les hommes, ne peuvent pas fuir et y sont l’objet de prédations.

Pêche au silure © N. Hérault
Pêche au silure © N.Hérault
Le silure atteint sa maturité sexuelle à 3-5 ans, lorsqu’il mesure environ 50 à 60 cm pour un poids de 2 kg. La reproduction nécessite des eaux à 20 °C pendant deux à trois mois. La femelle pond de 20 000 à 30 000 œufs par kilo de son propre poids.

L’accouplement, à proximité d’une berge à forte pente, bordée d’arbres aux imposantes racines, est un véritable ballet. La femelle danse autour du mâle. Lui se contorsionne, masse, malaxe le ventre de la femelle pour l’aider à expulser les ovules. Simultanément, le mâle les féconde. Les œufs se collent alors à la végétation du trou choisi comme nid par les parents. Puis, la femelle disparaît pendant trois jours durant, laissant le soin à son « compagnon » de garder la couche. À son retour, il partira vivre sa vie.

Les populations de silure ne cessent de croître. On a voulu croire qu’après la colonisation galopante, un nouvel équilibre se créerait. L’administration et les scientifiques tergiversent depuis longtemps sur le statut à lui appliquer : faut-il ou non l’inscrire sur la liste des espèces susceptibles de provoquer des déséquilibres ? Aujourd’hui, les déséquilibres sont là et les pêcheurs professionnels sont de plus en plus souvent sollicités pour intervenir dans la régulation du silure. Ils effectuent nombre de pêches surtout dans les plans d’eau privés. Leurs propriétaires n’attendent pas que la biodiversité disparaisse pour prendre des décisions énergiques. Dans le domaine public fluvial, le processus de décisions est extrêmement lent. D’autant plus que les scientifiques consultés par l’administration ne sont pas toujours unanimes.

Depuis la fin des années 1990, le silure constitue une part importante des captures des pêcheurs du Rhône, de Saône et du Doubs. Il est aussi un habitué des filets des pêcheurs de Loire et de Garonne.

D’un peu moins de 12 tonnes en moyenne capturées entre 1999 et 2002, ce sont près de 30 tonnes et demie qui ont été pêchées en 2009.

Actuellement, les pêcheurs professionnels du Rhône, conformément aux arrêtés préfectoraux ne ciblent plus les poissons gras dans les secteurs touchés par les contaminations aux PCB. Ces molécules chimiques ont en effet la mauvaise faculté de se nicher dans la graisse des poissons. Dans ces zones, faute d’être pêchés, les silures prolifèrent.

Le silure est devenu un poisson trophée. Comme les carpistes, les « silureux » sont « addicts » à l’adrénaline que procure la lutte, à bout de canne, contre un silure de 10, 20, 50 kilos. Le tourisme pêche s’en réjouit financièrement et n’est, bien sûr, pas favorable à une quelconque limitation de l’espèce.

Côté commercialisation, nombre de pêcheurs professionnels vendent leurs silures en vente directe sous forme de filets, cela permet aux consommateurs de ne pas voir la tête de la bestiole et d’obtenir une chair blanche et sans arêtes. Ainsi préparée, elle est exceptionnellement facile à cuisiner. En effet, contrairement aux filets de la plupart des poissons qu’ils soient d’eau douce ou de mer, les filets de silures sont d’une excellente tenue à la cuisson et se cuisent comme un steak. On pourrait les classer dans la catégorie des « plats de tous les jours », économiques et diététiques. Certains chefs savent si bien préparer le silure qu’il en devient un plat de festin.

[1]. Initiative expérimentale potentiellement impossible depuis la loi de 1985 interdisant l’introduction volontaire ou accidentelle d’espèces ne figurant pas sur la liste fixée par le ministre de l’Écologie !